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"Mutilation génitale féminine
au Kurdistan irakien"

Présentation pour la:

1ère Journée Humanitaire sur la Santé des Femmes dans le Monde
organisé par les Gynécologie sans Frontières

Paris, 8. Mars 2006
Presenté par :
Sandra Strobel and Thomas v. der Osten-Sacken, Wadi e. V.

Mesdames et messieurs

Tout d´abord, nous voudrions vous remercier de nous avoir invités et de nous donner la possibilité de vous présenter un bref aperçu sur la situation des femmes au Kurdistan irakien.
Cette conférence est consacrée aux mutilations sexuelles féminines. Pourquoi donc parler du Kurdistan ?
Oui, la mutilation génitale féminine, c´est aussi le Kurdistan irakien.
Notre organisation travaille en Iraq depuis 1993. Les Kurdes ont vécu des décennies de guerre, de génocide, de meurtre, de fuite continue, de sanctions et de régression économique. L´Irak, pays riche en ressources naturelles, fut systématiquement détruit et appauvri. Le régime de Ba´ath changea complètement la société irakienne. Par conséquent, le taux d´éducation établi par le professeur Khalidi en 2004 est très faible : 53% des habitants du Nord irakien sont instruits – c´est-à-dire qu´ils ont fréquenté une école élémentaire durant 5 ans au grand maximum-, plus de 34 % sont analphabètes. Il faut dire que le taux d´analphabétisme des femmes est en occurrence encore beaucoup plus élevé.

Les femmes sont particulièrement victime de cette histoire. C´est elles qui souffrent le plus de cette situation. A cela s´ajoute la répression masculine envers les femmes. Les femmes n´ont ni le droit de choisir leurs propres maris, ni de voyager seules, ni de travailler.
La violence familiale est un sujet dont on ne parle pas. Pourtant, elle est omniprésente. Beaucoup de femmes souffrent le long de leur vie des problèmes psychologiques. De nombreuses Irakiennes ont des graves traumatismes. Les femmes victimes de violence de toutes sortes ne sont pas considérées comme victimes, mais on les culpabilise. Elles sont considérées comme la honte de la famille. On dit souvent qu´elles sont folles.
La société kurde est une société patriarcale. La fille fait partie intégrale de l´honneur familiale. C´est une des raisons pour laquelle les filles sont soumises à un règlement assez rigide. Beaucoup de femmes n´ont jamais vu un médecin. Le mariage forcé, la violence, le meurtre d´honneur ou le suicide sans des phénomènes assez répondues dans cette zone.

Wadi soutient plusieurs projets féminines dans le Nord de l´Irak. Pour n´en citer que quelques-uns, je vais vous présenter nos centres pour les femmes à Halabja, Byara, Tawela et Kifri. Dans ces centres, des professionnelles kurdes proposent de l´assistance psychologique, médicale et juridique aux femmes. On leur propose aussi des cours d´alphabétisation, d´ordinateur, d´anglais, différents ateliers t une bibliothèque. Comme la femme est en général obligée de passer ces journées à la maison, ces centres constituent aussi un lieue de rencontre pour ces femmes. Souvent c´est la seule possibilité pour elles de sortir de la maison.
Comme le Kurdistan irakien constitue une zone assez rurale où beaucoup de femmes ne peuvent pas accéder aux services médicaux, on a mis en place des équipes mobiles qui consistent en une femme médecin, une infirmière et une assistante sociale. Ces équipes visitent les villages isolées et proposent des services médicaux aux femmes. Après un an et demi ces équipes avaient réussi à conquérir la confiance des villageoises. Et c´est la que ces équipes ont fait une découverte alarmante: la majorité des femmes avaient été mutilées.
Les membres des équipes ont ensuite interrogé 1544 femmes et jeunes filles dont 907 avaient été excisées.

C´est pour cela que Wadi a mis en place un programme spéciale qui se base sur un programme de recherche aussi bien que sur une campagne contre la mutilation génitale féminine au Kurdistan.
La mutilation génitale féminine est un sujet tabou au Kurdistan. Auparavant, on n´en avait jamais parlé.

Cette opération brutale est en général réalisé à l´âge de 4 à 12 ans.
C´est un acte secret dont on ne parle pas. Il n´y a ni fête ni cadeau. On a honte et on veut se débarrasser le plus vite et le plus secrètement possible des organes « haram » de la fille.
Le plus traumatisant pour les jeunes filles, c´est que c´est leur propre mère qui les amène chez une voisine ou un membre féminin de la famille pour les faire excisées. Des fois, les mères excisent leur filles elles-mêmes.
L´opération se réalise sans la moindre anesthésie. Comme la femme faisant l´opération n´a aucune connaissance médicale, elle ne fait pas attention à la stérilité des instruments. Elle coupe le clitoris et des fois une partie des lèvres inférieures à l´aide d´une lame de rasoir ou d´un couteau. Ensuite elle couvre la blessure par des cendre. Des fois la jeune fille est forcée de s´asseoir dans un seau rempli de l´eau glacé.
Beaucoup de jeunes filles meurent ou souffrent des conséquences psychologiques et médicales le long de leur vie. Beaucoup ne se récupèrent jamais de ce choque.
On ne va pas parler des conséquences psychologique et physique de cette violation des droits de l´homme parce que vous êtes tous des médecins et par conséquent bien au courant, mais on veut souligner que beaucoup de jeunes filles meurent suite à cette opération. Comme la femme qui excise les filles utilise souvent la même lame de rasoir pour plusieurs filles, beaucoup d´entre elles s´infectent de l´hépatite ou du sida. L´excision augmente le risque de mortalité du bébé et de la femme lors de l´accouchement.
L´excision constitue une violation des droits de l´homme.

Pourquoi pratique-t-on l´excision au Kurdistan ?
Certaines femmes justifient l´excision par la tradition et par la religion. D´autres avouent qu´elles ne savaient pas pourquoi elles le faisaient. Les femmes, souvent analphabètes, pratiquent l´excision parce que « ça a toujours été comme ça.» Elles croient qu´elles ne font que du bien pour la jeune fille. Le clitoris a la réputation d´être un organe « haram » et laid. Beaucoup de femmes ont peur de ne pas pouvoir marier leurs filles non-excisées.
L´islam ne donne pas de message clair par rapport à ce sujet. En effet, il y plusieurs interprétations possibles. C´est pour cela que certains écoles islamiques admettent que l´excision des femmes n´est pas octroyée aux musulmanes par l´islam. Mais il y d´autres écoles qui prêchent toujours l´excision. Ce qui pose un grand problème au Kurdistan, c´est qu´il y a beaucoup de muphtis ruraux qui appellent les croyantes à se faire excisées.

La mutilation génitale féminine et la question de la liberté

Pourquoi n´a – t-on jamais parlé de l´existence de l´excision au Kurdistan irakien ? Le Kurdistan irakien constitue-t-il une exception au sein du Moyen Orient ?
Pour comprendre cette question, il faut qu´on jette un coup d´œil sur l´interrelation entre de la pratique de la mutilation sexuelle ou toute sorte de violence contre les femmes et le degré de liberté et de société civile existant dans les pays du Moyen Orient.

On a prouvé que la mutilation sexuelle existe dans tout l´Iraq du Nord et on a de forts indices qu´elle se pratique également dans le reste de l´Iraq et dans tous les autres pays du Moyen Orient.
Mais si on étudie des documents et des travaux scientifiques établies dans les années récentes, on n´y trouve rien du tout sur l´existence de cette pratique au Mashreq. La Austrian Foundation for World Population and International Cooperation (fondation autrichienne pour la population mondiale et la coopération internationale) présente dans sa publication du printemps 2004 un aperçu des pays où les femmes pratiquent l´excision. Aucun pays du Mashreq n´y est mentionné, à l´exception du Yémen, qui constitue d´ailleurs une sorte de pont entre l´Afrique et les pays du Moyen Orient.
Le plus grave, c´est que beaucoup de chercheurs affirment au surcroît que l´excision n´existe pas au Moyen Orient et soulignent cette thèse de manière flagrante.
Evidemment, cette information est tout simplement fausse.
L´excision ne se limite pas à la partie africaine du monde arabo-musulman. Elle n´est pas une pratique africaine.
Il est vrai que l´Egypte, où plus de 90 % des femmes sont excisées, fait partie de l´Afrique. C´est un pays africain, mais c´est aussi un pays arabo-musulman.
La raison pour laquelle on est au courant de l´existence de l´excision en Egypte n´est pas le fait que l´Egypte se trouve en Afrique et que l´excision ne se pratique pas autre part. La raison pour la quelle l´existence de l´excision dans d´autres pays arabo-musulmans a été cachée est bien une autre: Bien que l´Egypte ne soit pas de démocratie, c´est un pays qui est beaucoup moins autocratique que la plupart de ses voisins.
Mais, et c´est ce qui compte, une diversité d´organisations civiles, d´organisations de femmes et d´activistes des droits de l´homme peuvent y travailler.

Sous une dictature du genre de la Syrie ou de l´Iraq de Saddam Hussein, ce type de liberté n´existe pas. Bien au contraire : l´état légalise cette violence parfois. Les meurtres d´honneur ont par exemple été légalisé par la loi irakienne à la fin des années 80s.

Aujourd´hui, la situation est différente au Kurdistan irakien qui s´est libéré lui-même du régime de Saddam Hussein en 1991. Même si la liberté fut toujours assez limitée sous le régime des parties kurdes, un petit îlot de liberté s´est crée dans les années 90s pour faire naître une société civile. Cette évolution continue avec vitesse depuis la chute du régime de Saddam Hussein.
Si on avait demandé à un homme politique kurde en 1992 si le mariage forcé, le meurtre d´honneur et d´autres types de violences contre les femmes existaient, il aurait probablement répondu par non.
Mais des organisations de femmes kurdes ont commencé à rendre ces affaires publiques.
Elles ont cherché des informations, ouverts des centres pour femmes en danger de vie et elles se sont adressées au Parlement. Celui –ci interdit le meurtre d´honneur depuis 2000. A la suite plusieurs recherches sur les meurtres d´honneur ont été fait sur le terrain. Les chiffres sont choquants. Mais ils ne sont pas choquants parce que « les kurdes auraient l´esprit plus en arrière et parce qu´ils ne seraient pas civilisés » (C´est ce que les nationalistes arabes disent des kurdes), -non-, mais ces chiffres ne pouvaient être choquants que par le fait que les kurdes ont eu la liberté d´aborder ce sujet.
En général la discrimination du au sexe et la sexualité est toujours un sujet absolument tabou dans les pays du Moyen Orient.
Des programmes pour lutter contre la mutilation génitale féminine
Il est possible de lutter contre la violence contre les femmes. L´histoire de l´initiative courageuse des membres d´équipe locale de Wadi au Kurdistan Irakien, qui ont découvert que l´excision existait au Kurdistan et qui ont décidé de la combattre, est une histoire pleine d´ espoir. Au cours de moins de deux ans après la découverte affreuse, ces membres ont réussi à créer un débat publique autours de ce non-dit et d´en faire un problème reconnu par les hommes politiques aussi bien que par la société. On vient de faire une conférence sur l´excision à Arbil, capital kurde à laquelle 90 personnes ont participé. C´est aussi une histoire qui montre que certaines libertés sont étroitement liées à toute sorte d´activité pour combattre la violence contre les femmes.
Quand nos équipes ont fait la découverte de l´excision au Germian, chacun d´entre nous fut choqué et paralysé. Que faire contre cette pratique aussi répondu au Kurdistan irakien ? Comment sauver l´intégrité physique et psychologique de milliers de jeunes filles ?
Après ce choque, on s´est mis a trouvé un moyen pour combattre cette pratique. Ensemble, on a établi un programme pour combattre la pratique de la mutilation sexuelle au Kurdistan. La majorité des habitants du Germian est analphabète et n´a pas d´accès à la radio ou à la télé. C´est pour cela qu´on a eu l´idée de tourner un film sur la mutilation sexuelle pour eux. On a eu la chance de trouver un réalisateur local qui était prêt á faire ce film avec nous. Depuis septembre 2005, ce film est montré au villageois par nos équipes.
Parallèlement, on a préparé une étude sur la mutilation génitale en coopération avec es universités de Bagdad, Suleymaniah et Arbil, mais malheureusement, on n´a jusqu`à présent pas trouvé de fond pour réaliser cette recherche. L´idée c´est d´interviewer environ 5 % de la population féminine du Nord de l´Iraq pour avoir une recherche scientifique et pour savoir où et comment les mutilations sexuelles sont pratiquées.
Un journaliste anglais s´est mis à écrire plusieurs articles sur cette pratique en Iraq et par cela, il a encouragé les activistes kurdes qui ont d´ailleurs plusieurs fois été attaqués.
C´était en octobre 2005 qu´une première équipe mobile s´est mis à montrer ce film dans une vingtaine de villages choisis. Le résultat a été très positif, ça a été un grand succès : Beaucoup de femmes ont expliqué à la suite du film qu´elles ne savaient tout simplement pas que l´excision n´est pas ordonné à toutes les musulmanes par l´islam.
Supporté par Caritas Suisse, cette équipe mobile travaille quotidiennement dans la région du Germian. L´équipe de Wadi Arbil s´est également mis à montrer ce film en coopération avec la Iraqi Civil Society Programme aux alentours de Arbil. Dans cette région le taux de femme mutilées est encore plus élevé qu´au Germian.
Le fait qu´un mullah de haut rang explique dans ce film que l´islam n´ordonne pas l´excision a convaincu beaucoup de femmes, même s´il y en a d´entre –elles qui continue à pratiquer la mutilation. Wadi a mis en place des équipes supplémentaires dans la région de Arbil. Le taux de femmes mutilées y est encore plus élevé.
Le jour du 25 février 2006, nos collègues irakiens ont fait la première conférence irakienne contre les mutilations sexuelles. Cette conférence a été soutenue par précisément les autorités locales qui avaient auparavant nié l´existence de l´excision. 90 femmes aussi bien que des membres des médias locales ont participé à cette conférence. Elles ont élu un comité de cinq médecins et de professeurs qui vont proposé une nouvelle législation au parlement kurde pour interdire l´excision par une loi. Ce comité va aussi préparer une campagne contre l´excision dans les écoles, les hôpitaux et les médias. Après 14 mois de travail et un budget très limité, -- et malgré la résistance—ils ont réussi à faire des mutilations sexuelles un sujet qui est à partir de maintenant prononcé et reconnu comme problème. C´est un premier succès très important, non seulement pour le Kurdistan, mais aussi pour toute la région.
Un membre d´une organisation de femmes syriennes nous a raconté que l´excision existe aussi en Syrie, mais qu´elles n´ont pas les possibilité d´en parler.
Cette campagne contre l´excision au Kurdistan irakien, réalisée et soutenue par de courageux Kurdes, -femmes et hommes-, a prouvé que l´excision n´est pas uniquement un phénomène africain.
Soutenir les femmes et combattre la violence contre les femmes doit être le but de toute sorte de transformation de dictature en démocratie. Ce n´est que dans ces circonstances –là que des activistes autochtones ont la possibilité de se lever et de lutter pour des valeurs universelles comme l´égalité.
Nous, on n´a pas la tache d´intervenir, mais de les soutenir et de donner des conseils à tous ceux qui risquent jour après jour leur vie pour les droits de l´homme dans leur patries en Moyen Orient. Ils ont beaucoup d´ennemis et malheureusement seulement peu d´amis en Europe.
Après avoir brièvement raconté leur histoire, on serait très heureux , s´ils avaient trouvé quelques nouveaux amis au cours de cette journée du 8 mars.

Merci beaucoup


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